Les initiatives de la France vis-à-vis du génocide arménien

« La France reconnaît publiquement le génocide arménien de 1915 ».

Tel est le texte de l’article unique de la loi du 29 janvier 2001. Cette formulation extrêmement brève ne doit pas occulter le lent et laborieux processus d’adoption de la loi. Il a fallu environ 4 ans, après de nombreuses hésitations et reculades, pour que ce texte, qui ne tient pourtant que dans une seule phrase, soit d’abord envisagé puis finalement voté. L’idée d’une reconnaissance officielle de la part de la France avait germé dès 1965, année du cinquantenaire du génocide des Arméniens, dans les rangs des députés communistes. En 1981, François Mitterrand alors candidat à l’élection présidentielle promit d’agir afin de reconnaître le génocide des Arméniens. Par la suite, des ministres en exercice firent des déclarations publiques allant dans le sens d’une reconnaissance du génocide comme Claude Cheysson en 1981 et Gaston Defferre en 1982. Le président Mitterrand allait réaffirmer en 1984 l’existence du génocide lors d’une allocution prononcée dans le cadre du Noël arménien. Par la suite, plusieurs propositions de loi portant sur la reconnaissance du génocide furent déposées. La question ressurgissait chaque 24 avril, comme un serpent de mer, au moment de la commémoration officielle des événements de 1915. Mais ce n’est qu’à partir de 1998 que de la reconnaissance fit l’objet d’attentions sérieuses. C’est par le biais d’une proposition de loi que la reconnaissance du génocide des Arméniens a été soumise à l’Assemblée nationale. S’agissant d’une proposition de loi et non d’un projet de loi, l’initiative émanait de parlementaires et non du gouvernement. La proposition de loi a été soutenue par le député René Rouquet, nommé rapporteur, qui considérait que « au regard de l’histoire comme du droit la France se doit d’adopter une position tranchée en déclarant qu’elle reconnaît le génocide arménien de 1915 ». Finalement, le texte a été voté le 28 mai 1998 à l’unanimité ce qui est rare et manifeste un fort consensus. Après le vote, le gouvernement transmit le texte au Sénat. Et après un processus chaotique d’adoption de la loi, la proposition de loi fut finalement adoptée le 7 novembre 2000 à la majorité de 164 voix contre 40. Cependant, et pour que le texte adopté au Sénat devienne une loi de la République, il fallait qu’il soit voté par l’Assemblée nationale. Pour cela, il fut inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale du 18 janvier 2001 par le biais de la niche parlementaire UDF. Les débats furent très consensuels. Le 18 janvier 2001, le texte fut finalement voté à l’unanimité. Le Conseil constitutionnel n’ayant pas été saisi, la loi fut ensuite promulguée par le président de la République le 29 janvier 2001 pour s’intégrer au corpus législatif français. La loi française donc a été formulée de manière lapidaire : 9 mots seulement pour reconnaître « publiquement » le génocide des Arméniens. Comme le disait Jack Lang, « Les phrases courtes et simples sont souvent les plus efficaces ». À la fin, il convient aussi de mentionner la loi du 12 octobre 2006 adoptée par l’Assemblée nationale lors de la session ordinaire de 2006-2007. Cette loi prévoyait un an de prison et de 45 000 euros d’amende la négation du génocide arménien. Récemment, et au cours de la rédaction de cette thèse, l’Assemblée nationale a voté le 22 décembre 2011 la proposition de loi sur la négation des génocides, dont celui des Arméniens en 1915. Le texte a été voté à main levée par une très large majorité de la cinquantaine de députés présents. Ce texte a été ratifié par le Sénat le 23 janvier 2012, et par conséquence a été donc adopté par le parlement. C’est une première initiative au niveau des lois nationales sur le sujet de la négation du génocide arménien. Cependant, cette loi a été rejetée par le Conseil Constitutionnel par une décision du 28 février 2012. Le Conseil a considéré cette loi qu’elle était contraire à la Constitution, vu qu’elle portait atteinte à l’exercice de la liberté d’expression et de communication. Cette initiative peut être un exemple pour les autres pays à suivre, car, par l’intermédiaire des lois nationales pareilles, cela constituera une pression envers l’État Turc pour reconnaître le génocide arménien. Dans son article sur la loi pénalisant la négation du génocide arménien, publié le 4 janvier 2012, Bernard-Henri Levy explique : « Cette loi, autrement dit, n’a rien à voir avec la volonté d’établir une vérité d’État. Aucun des députés qui l’ont votée n’a prétendu se substituer aux historiens et à leur œuvre. Ils entendaient juste rappeler ce droit simple qu’est le droit de chacun à n’être pas publiquement injurié – et son droit, corrélatif, à demander réparation de cette atteinte particulièrement outrageante qu’est l’atteinte à la mémoire des morts. Question de droit, pas d’Histoire ».

Rodney Dakessian

Beyrouth le 16-Octobre-2014

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