À l'AUBE D'UN NOUVEAU CENTENAIRE: 24 Avril 1915 - 24 Avril 2015… ET APRÈS ?

Oui et après ?                                                        

Vivrons-nous encore un deuxième siècle dans la révolte et la colère émotionnelles ?

Attendons-nous encore un deuxième siècle pour penser à étudier scientifiquement et juridiquement la « question arménienne » ? Ou bien, allons nous traverser encore un deuxième siècle agité uniquement par la propagande ?

Continuons nous à lutter pour la cause arménienne en reproduisant pour encore un siècle les mêmes activités de révolte vécues jusqu’à ce jour ?

Il ne faut surtout pas que le 24 Avril 2015 soit juste une mémoire pour le centenaire du génocide. Il ne s’agit pas d’une cérémonie ! Ni d’une fête !

Il s’agit, par contre, d’une promesse aux martyrs arméniens, une promesse que nous devrons la tenir plus fortement, que jamais, en ajoutant à cette lutte, outre la dimension émotionnelle vécue jusqu’au centenaire, une nouvelle dimension plus prometteuse et sûre : la dimension scientifique.

À l’occasion du centenaire, il n’est pas demandé d’user toute notre énergie de demande et de révolte, le 24 avril 2015, pour se reposer plus tard et revenir au silence.

Cette mobilisation et toutes ces activités qui bouleversent actuellement le monde, ne doivent pas se limiter à ce niveau et surtout ne doivent pas s’arrêter là.

Ce que je crains, surtout, c’est que le lendemain du 24 Avril 2015, ne soit pas comme avant. Je crains surtout qu’après toute cette mobilisation pour le centenaire du génocide, le peuple arménien ait le sentiment que nous restions coincés dans nos mêmes pensées et continuions les commémorations traditionnelles de chaque année.

Je crains surtout que le peuple arménien ait le sentiment de relâchement, de négligence, de malveillance et de retirement.

Un siècle consacré uniquement pour l’histoire du génocide des Arméniens, durant lequel nous avons vécu une collecte des faits et des preuves diverses, justifiant le génocide; un siècle pour justifier que le génocide a eu lieu est indiscutablement suffisant ! Maintenant, il est temps de passer à l’action et de continuer à prier pour le repos des âmes des martyrs Arméniens, tous les jours et pas uniquement à la veille de chaque 24 du mois d’Avril…

Finies les cérémonies de commémoration, les publicités et la propagande.

La reconnaissance, nous allons la réaliser, nous allons sûrement l’atteindre, la saisir, la vivre ; c’est avec une détermination que je vous la réclame.

Soyons des combattants, soyons des révolutionnaires pacifiques pour la reconnaissance. Il est temps de ne plus attendre chaque 24 du mois d’avril de chaque année pour hausser la voix et crier Justice pour le peuple !

Si nous visons vraiment démarquer la victoire de la reconnaissance, il est temps alors de se réveiller, pour faire agiter le monde autrement, agiter la justice internationale, les Nations Unies et toutes les organisations internationales.

Nous méritons vivre en paix, nous souhaitons tisser des relations normales avec la Turquie, mais avant tout, nous demandons reconnaissance, rien que la reconnaissance. Nous ne cherchons pas les réparations matérielles, nous demandons des réparations morales, une seule réparation : la reconnaissance. Laissons tomber les terres et les biens matériels. Ceux qui méritent la reconnaissance, sont les martyrs, c’est pour eux que nous devrons lutter avant de penser à nos intérêts personnels.

Ils ont sacrifié leurs vies pour nous, pour qu’ils nous octroient la vie !

Cassons les barres de la diplomatie, les barres des protocoles, les barres des procédures. Ce sont les hommes qui les ont créées et c’est eux qui peuvent les démolir: Disons sans introduction, sans préface et sans préambule, que nous demandons la reconnaissance, pour qu’enfin nous puissions vivre en paix et en amitié avec la Turquie. Oui en amitié avec la Turquie, ayons le courage de le dire et de trouver les bons moyens pour y parvenir sans oublier de lutter d’abord pour demander la reconnaissance. Les liens avec la Turquie seront tissés seulement à l’issue de la reconnaissance. Libérons-nous de votre arrogance et restons modestes. Libérons-nous des propagandes inconséquentes et soyons des lutteurs rationnels silencieux pour la cause arménienne.

Pourquoi pas ne pas briser la clôture de la frontière commune avec la Turquie ? Pourquoi ne pas effectuer une marche paisible vers la frontière et placer des fleurs au lieu de dresser des barrières et des brigades ?!

C’est seulement et uniquement avec l’amour que nous pourrions réaliser la reconnaissance. Oui, c’est avec l’amour que nous pourrions combattre toutes les politiques négationnistes. Voilà Gandhi, voilà Mandela et plusieurs autres élites de notre histoire.

Oublions la haine, oublions la vengeance, et commençons à travailler sérieusement pour la reconnaissance afin de rendre de chaque jour une mémoire vivante du 24 Avril.

Préparons nous à dialoguer avec la Turquie. C’est avec l’amour que nous pourrions les orienter vers la Justice attendue depuis un siècle,

Je ne rêve pas, non ! Je me défoule, je me libère des barrières enchaînées dans nos pensées.

Cent ans n’ont pas été suffisants pour atteindre la reconnaissance. N’est-il pas temps donc de changer notre façon de percevoir la question arménienne, sans bien sûre renoncer à nos droits ? Il est temps de clôturer l’ère de la rédaction de l’histoire du génocide, et de se lancer dans un travail scientifique et juridique, rationnel et exécutif.

Enfin, je voudrais bien saluer les esprits des martyrs du génocide des Arméniens : c’est grâce à eux que personnellement, j’ai pu réaliser une thèse en droit sur le sujet du génocide, ainsi que c’est grâce à eux que j’ai remporté le prix du meilleur travail scientifique de la République d’Arménie, et c’est grâce à eux que le livre sera traduit en différentes langues. C’est eux, nos chers martyrs qui font tout ce travail, et qui travaillent par mon intermédiaire et par l’intermédiaire des autres lutteurs pour la cause arménienne. Je ne suis qu’un messager.

Il faut enfin que ce 24 Avril 2015 touche nos cœurs et nos âmes de même ampleur que le 24 Avril 1915, c’est à ce moment là seulement que nous allons pouvoir lutter pour la cause arménienne comme si le génocide s’est perpétré juste hier.

Rodney Dakessian

6-Avril-2015

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